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Pot au feu des familles : un bonheur partagé

Préparation
20 mn et +

Cuisson
3 h 30 heures

Nbr personnes
8

Difficulté
Moyen

pot-au-feu légumes et bouillon

pot-au-feu légumes et bouillon

Le froid est arrivé laissant place aux nourritures de saison, les plats d’hiver, les plats traditionnels de la cuisine d’antan, à base de viandes bouillies, braisées, sautées, en ragoût ou en daubes. Que tous ces plats d’avant remontent à votre mémoire, ces moments de plaisirs partagés, ces Plats  du dimanche où la mère ou la grand-mère avaient cuisiné longuement, mais simplement, pour la famille réunie à la fin d’une semaine de labeurs.

Le Pot au feu est un de ces Plats de ¨bonne femme¨ et du bon sens. Un de ces plats de ¨pauvres¨, de fête et du bonheur, merveilleux rendez-vous et art de vivre. Plats roboratifs et économiques qui réchauffent le corps et le cœur. Les diététiciens,  gourous¨ de notre santé, ont voulu nous les faire oublier ou les écarter sous prétexte qu’ils étaient gras, riches, lourds à digérer et faisaient grossir. Inconvenants à notre vie moderne et trop longs à préparer.

Malgré cela aujourd’hui, je vais vous raconter le Pot au feu. En long et en large, pour que vous baviez sur la page, tout au long de la lecture, et qu’à la fin vous soyez satisfaits de nourritures et de souvenirs. Dans le détail, étape par étape, nous préparerons ensembles ce Pot au feu de Bœuf. En précisant quels tours de main, quelles modifications ou quels conseils peuvent le rendre plus léger, plus goutteux ou réalisable dans n’importe quelle situation.

pot au feu viandes et légumes

pot au feu viandes et légumes

Choisir différentes Variétés de Viandes :

C’est là que tout commence.

morceaux de boeuf pour le-pot-au-feu

morceaux de boeuf pour le-pot-au-feu

Pot au feu classique uniquement avec du bœuf ou plus insolite avec un assortiment de viandes selon l’envie ou la région. Avec un haut de côtes de mouton ou un jarret d’agneau comme en Provence, chez nous en Aveyron, un jarret ou un pied de veau et une poule ou du canard dans le Sud Ouest, du jambon ou de l’échine de porc en Bretagne et du saucisson à l’ail dans le Lyonnais ?…Une véritable mixité autour de la tradition.

Préférez une viande de qualité.

(La qualité dépend de l’état de l’animal, de son âge, de sa race, de sa nourriture, de la façon dont il a vécu).

morceaux de boeuf pour le-pot-au-feu

morceaux de boeuf pour le-pot-au-feu

Pour un bon pot-au-feu, utilisez des morceaux de 3ème catégorie à cuisson lente et à bouillir. Des morceaux moins connus, à des prix accessibles, qui en font un plat économique.

(La 1 ère catégorie comprend les viandes à rôtir et à griller, la 2 ème les viandes à braiser).

Mélangez plusieurs morceaux de goûts et de textures différentes : maigres comme la macreuse…, gélatineux (gélatine ne veut pas dire gras mais onctuosité, moelleux, liant…)  comme le gîte (en fait le jarret), le jumeau ou le paleron et ¨grassouillet¨ comme le flanchet, le tendron ou le plat de côte. Collier, queue, joue de bœuf et os à moelle s’imposent …

plat de cotes et légumes

plat de cotes de boeuf et légumes

Votre artisan boucher, spécialiste de la viande, sera heureux de vous conseiller et de vous aider. Choisir les morceaux n’est pas une tache insurmontable mais instructive. Pensez à les commander à l’avance. Il saura mieux vous servir, l’occasion d’un dialogue au-delà d’une barquette préemballée et des étiquettes banalisantes et généralisées.

Quels Légumes utiliser ?

Des légumes les plus frais possible et surtout de saison. Parmi les grands classiques : carottes, céleri branche ou rave, navets, poireaux, oignons. Conservez-en les fanes non abîmées, pour en confectionner un bon bouquet aromatique et les ajouter à la cuisson. A la rigueur un chou vert, mais à éviter si vous voulez garder le bouillon pour d’autres utilisations.

Pensez aux légumes anciens dits oubliés.

panais

panais

rutabagas

rutabagas

Le Panais, juste un morceau, donne une saveur poivrée,

le rutabaga et les topinambours adoucissent le bouillon…

Ils apporteront un peu d’originalité et des saveurs nouvelles. Ils valent mieux que leurs mauvais souvenirs d’après guerre.

L’amidon des pommes de terre trouble le bouillon à la cuisson, il est préférable de les cuire à part.

topinambours

topinambours

oignons brûlés pour colorer un bouillon

oignons brûlés pour colorer un bouillon

Roussir deux oignons, tranchés transversalement, au four ou dans une poêle (sur un papier cuisson ou aluminium).

A la cuisson, ils donneront une belle couleur ambrée au bouillon. N’oubliez pas de les piquer  de trois clous de girofle, à la saveur chaude et piquante, facilitant la digestion des viandes et développant le gout sucré de l’oignon.

Autre truc de grand-mère pour la couleur : caramélisez un morceau de sucre et le joindre au bouillon.

bouquet garni dans une gaze

bouquet garni dans une gaze

Confectionnez un bouquet garni avec un ou deux verts de poireaux, feuilles de laurier, queues de persil, brindilles de thym et grains de poivre. Réservez 4 gousses d’ail dans leur peau ou des échalotes, selon votre gout et à la saison les herbes du jardin. Un peu de gingembre frais, ajouté au départ, se mêlera subtilement aux parfums des autres ingrédients.

Chacun personnalisera ces garnitures à sa façon, selon son goût et sans oublier les petits trucs de famille.

La tradition sans façon : Un bonheur gourmand.

Simple, délicieux, léger et succulent.

pot au feu simple et généreux

pot au feu de boeuf simple et généreux

Pour être bon le pot-au-feu demande du soin, une cuisson prolongée à petit feu, et une bonne organisation. Ce n’est pas un plat de dernière minute, à gros bouillon et cocotte minute. Mais s’il cuit longtemps, il ne demande que très peu de présence en cuisine. Un plat paisible, dans le respect des produits et de la nature, une des bases fondamentales de la cuisine. Un plat zen, à commencer la veille pour le lendemain. Un plat généreux à préparer en quantité importante pour une bonne tablée ou qui peut vous assurer une semaine de nourriture. Il supporte très bien le réchauffement et s’en trouve même souvent amélioré.

Un véritable Plat de discorde : 

Faut-il commencer la cuisson à l’eau chaude ou à l’eau froide ?

Chacun a son avis. Personne n’est d’accord ! Seule la réalité chimique saura départager les parties.

1 – Si l’on veut privilégier le gout et la qualité des viandes, il faut les plonger dans un liquide bouillant pour la concentration des saveurs. Le sang, les sucs et les arômes restent saisis à l’intérieur, protégés par la coagulation des albuminoïdes à la surface de la viande.

2 – Si l’on préfère un bouillon plus aromatisé, goutteux et corsé, les viandes sont mises à l’eau froide. Les sucs et les arômes se diffusent et parfument le bouillon par extraction des saveurs

Pour réconcilier les deux tendances, voici ma méthode.

pot au feu en cocotte

pot au feu de boeuf en cocotte

Mettre dans une grande marmite quelques os, la queue de bœuf, le plat de côte ou le pied de veau (des viandes à os) et couvrir d’eau froide. Ne pas les noyer dans une eau trop abondante, comptez un litre d’eau pour 500 g de viande. Le bouillon n’en sera que plus concentré, donc meilleur. Portez doucement à ébullition, écumez régulièrement les impuretés. Pendant ce temps, lavez, épluchez les légumes, préparez les garnitures aromatiques, ficelez les viandes.

Au bout d’une heure de cuisson, vous avez déjà un bouillon accueillant, odorant et parfumé. Ajoutez les viandes principales, les oignons brûlés, le bouquet aromatique de fanes de légumes, le bouquet garni et les gousses d’ail. A la reprise de l’ébullition, salez au gros sel (10 g par litre). Écumez à nouveau. Réglez la température pour maintenir un très léger frémissement qui permettra au bouillon de se clarifier tout seul. Couvrez à demi pour éviter une évaporation trop rapide. La cuisson se fait à petit feu, tranquillement ; il se fait oublier.

bouillon de pot au feu

bouillon de pot au feu

Soit vous ne disposez pas de tout votre temps, vous travaillez, préparez votre pot-au-feu en deux ou trois étapes. Soit le temps vous appartient, agissez comme bon vous semble. Après 1 heure de cuisson, si vous êtes dans le 1er cas, retirez la marmite du feu et réservez-la dans un endroit frais à couvert. Les viandes refroidiront et ¨s’assoupliront¨ dans le bouillon. Vérifiez l’assaisonnement.

viandes cuites du pot au feu

viandes cuites du pot au feu de boeuf

Le lendemain, après une nuit au frais, une pellicule de graisse a figé sur le dessus. Dégraissez votre pot-au-feu, retirez les viandes et garnitures aromatiques, filtrez le bouillon. Remettez les viandes et le bouillon dans la marmite, portez à petite ébullition pour recommencer et continuer la cuisson. Plongez les carottes et les cœurs de céleri entiers, 15 mn plus tard ajouter les navets et les poireaux. Laissez cuire les légumes 30/40 mn puis retirez-les. Ne les faites pas trop cuire pour qu’ils présentent bien et qu’ils restent appétissants. (Le bouquet de fanes de légumes ajouté en début de cuisson a déjà donné leur gout). Réservez-les, vous les réchaufferez dans le bouillon avant de servir.

Le temps de cuisson des viandes dépend du type et du poids des morceaux. Vérifiez qu’elles soient tendres et moelleuses.

os à moelle crus

os à moelle crus

os à moelle cuits

os à moelle cuits

Pochez, au dernier moment, les os à moelle, 10 minutes dans le bouillon, sans ébullition. Un par personne, tranché en tronçons de 4/5 cm.

(Faites-les dégorger 12 heures, au moins, dans de l’eau froide, avant de les cuire. Le sang contenu dans la moelle doit pouvoir s’écouler, sinon celle-ci ne serait pas d’une couleur claire mais plutôt grisâtre). Pour que la moelle reste dans l’os, saupoudrer un peu de gros sel à chaque extrémité. Un plaisir suprême et bon marché à déguster avec du pain grillé ! Le chef de cuisine mondialement connu Anthony Bourdain appelle la moelle le «beurre des dieux».

Une bonne soupière de bouillon

Une bonne soupière de bouillon

Égouttez et filtrez votre bouillon blond et odorant au travers d’un linge garni de quelques grains de poivre noir pour corser le gout. Il sera servi nature bien fumant et odorant en tasse ou en soupière avec le vermicelle, le tapioca ou les perles du Japon.

Laissez reposer les viandes cuites. Vous pouvez les disposer à l’avance avec les légumes dans un plat creux avec un peu de

truffe tuber mélanosporum brossée

truffe tuber mélanosporum brossée

bouillon. Prévoyez une tranche de chaque viande par personne ainsi qu’un os à moelle. Recouvrez de papier aluminium et d’un torchon épais, le tout sur un récipient d’eau chaude frémissante, en attendant le moment du repas. Le bouillon au bain-marie, la soupière et les assiettes au chaud, Au moment d’envoyer assaisonner de fleur de sel et de poivre noir concassé. Tout est prêt pour la gourmandise.

Les jours de fête, on peut raffiner ce plat en râpant, au dernier moment, devant les convives une belle truffe ¨mélanosporum¨ fraîche sur les viandes ou dans le bouillon.

chabrot avaler à grandes goulées

chabrot avaler à grandes goulées

Pour vous rappeler le temps jadis et faire quelque entorse aux convenances, bonnes manières et savoir vivre, permettez-vous une fois de vous faire plaisir au risque de déplaire. Un plaisir rustique plus que gastronomique !

Quand il reste un fond de bouillon dans l’assiette creuse,  ajoutez  du vin rouge pour diluer  le tout puis avalez à grandes goulées : le chabrot.

« tu deviendras un homme mon fils ! » entendez-t-on dans les chaumières.

Quelles Garnitures et condiments ?

moutarde-violette-de-brive-denoix moutarde-de-bourgogneFleur de sel de Guérande, moutarde forte de Dijon ou de Bourgogne ou moutarde violette de Brive au moût de raisin, cornichons et petits oignons au vinaigre, pickles de légumes, (faits maison à la belle saison), des radis roses ou noirs …

pickles de légumes en bocal

pickles de légumes en bocal

Au rayon des sauces froides ou chaudes : une mayonnaise faite maison rehaussée de sauce soja, de zeste de citron, de gingembre frais râpés et de ciboulette taillée fin avec une pointe de piment d’Espelette. La sauce au raifort râpé assaisonnée de sucre, sel, jus de citron et crème fraîche ou une sauce vinaigrette très relevée d’herbes fraîches : estragon, coriandre, persil… liée avec un œuf dur écrasé. Une vrai Sauce Béarnaise, du Wasabi pour l’exotisme…

Sans oublier les tranches de pains grillés pour y déposer la moelle chaude.

Un plat généreux à restes : Plat de plusieurs jours

Le premier jour, plat éclatant et convivial, viandes et légumes rutilants, moelle et bouillon.

Le deuxième jour, les viandes restantes tranchées froides avec salades croquantes et condiments de toutes sortes.

boeuf miroton prêt à enfourner

boeuf miroton prêt à enfourner

Le troisième jour place au Bœuf Miroton, proposé par Balzac, dans le cousin Pons, mets de portier ou plat de concierge disait-on. Préparez-le avec les restes de viandes, nappées d’oignons compotés au beurre, vin blanc sec, bouillon et vinaigre,avec ou sans tomate ; le tout gratiné doucement au four, sans brûler. Un plat délicieux qui ne coûte rien. A tomber !

Le quatrième jour, une salade à la bouchère, viande, légumes crus et cuits, et œufs durs avec une sauce gribiche.

hachis-parmentier du 5e jour

hachis-parmentier avec les restes du pot au feu

Quant au cinquième et dernier jour, pour finir la ¨semaine pot-au-feu¨ en apothéose, un Hachis Parmentier, de viande et de pommes de terre, un chou farci ou des pommes de terre farcies !…

A la belle saison, servez ce pot au feu froid en terrasse : le bouillon en tasse comme une gelée tremblotante, les légumes et viandes moelleuses avec des pickles, des sauces froides de toutes sortes, des salades croquantes et des croûtons aillés : Un ¨régal-party¨ pour tous et surtout pour le(a) cuisinier(ère)!!!

CONSEIL DU CHEF :

Quand l’ordinaire devient sublime ! Une patience délicieuse. C’est la succession d’apports de viande avec os, puis sans os, puis plus tard de légumes fermes et de légumes fragiles et enfin d’os à moelle dans un bouillon frémissant qui détermine toute la réussite de votre pot-au-feu.

Tous ces plats que la ménagère ne peut préparer, de nos jours, que le weekend ou en différé, pourquoi ne pas les retrouver chez nos restaurateurs ? Proposés au gré du marché, ce n’est pas dépassé, mais tendance. Un chef peut toujours apporter son interprétation et sa sensibilité à des classiques, pareil aux œuvres musicales. Dégraissés et rajeunis, ils peuvent nous apporter tous les principes nutritifs, du plaisir et de l’émotion. C’est notre patrimoine, surtout ici, dans notre terroir d’élevage et de cultures.

Pourquoi allez se gaver d’américanismes ou exotismes aseptisés mais bien grassouillets quand même. Nous avons chez nous dans notre Aveyron, tout pour notre bonheur et notre santé. Demandez à Michel Bras, élu meilleur chef du monde par ses pairs, d’où viennent ses produits. Il suffit de bien les choisir, de les respecter et de privilégier les producteurs d’ici. A vos fourneaux citoyens (nes) que les cuisines embaument  et le pot-au-feu crée l’ambiance !!!

Vin conseillé :
vin rouge Côte-Rôtie ou Saint Joseph