Le Canard des quatre saisons
Une Volaille fleuron du Grand Sud-ouest,
à cuisiner toute l’année et de biens des manières avec le même bonheur gustatif.
Pourquoi parler aujourd’hui du canard, plus qu’un autre jour ?
J’ai toujours aimé cuisiner cette volaille, en toutes saisons, quels que soient les morceaux et le lieu où je me trouve. Le dimanche 28 juin, à Najac, en Aveyron, au Château, se déroulera le 25e chapitre de la Commanderie du Taste-Rit, à la gloire du canard gras. Intronisé le 28 mars 1998, en qualité de “Petit-Rit″, par Michel Lombard, mon parrain, j’avais au moins deux raisons fondamentales de célébrer en grande pompe ce volatile cancanier, fleuron du patrimoine du Grand Sud-ouest.
Origines
“Canard″ est le terme générique, il en existe plus d’une centaine de races. Connu en Chine depuis plus de deux millénaires, il y aurait tant à dire. Nous ne considérerons pas les canards sauvages et les canards d’ornements, mais seulement les races de canards domestiques. Elevés pour leur chair, leurs œufs, voire leurs plumes, ils sont issues du Canard colvert, le plus connu du grand public et les races issues du Canard musqué américain appelée plus spécifiquement Canard de Barbarie.
Le croisement des deux : un canard mâle, le canard de Barbarie, avec une cane commune ou la cane de Pékin, ou éventuellement la cane de Rouen, a donné un hybride, le canard mulard. Canard rustique plus particulièrement élevé dans le but d’être gavé afin de produire du foie gras, du magret et du confit, avec une viande particulièrement savoureuse. Si tout a commencé, dans le Gers et les Landes, cette Gascogne conquise par le maïs, le canard a vite débordé vers les départements voisins, plaines et coteaux de Midi-Pyrénées et de l’Aquitaine. Il s’est imposé définitivement avec le rugby, l’accent roulant, Airbus, les Pyrénées et le vin comme une des marques de fabrique.
Au début des années 60, l’Auscitain André Daguin, chef doublement étoilé, à la faconde généreuse et les chefs-restaurateurs régionaux mirent à la mode le foie gras poêlé et surtout le “magret″. (Ce terme, d’origine gasconne, désigne le filet “maigre″ de viande rouge, la poitrine, partie la plus charnue d’un moelleux incomparable, qui provient uniquement des seuls canards adultes, gavés et ayant produit un foie gras).
Toute la France et même l’Europe découvrirent avec délectation cette saveur nouvelle “made in Sud-ouest″. Nos amis américains, nous titillent bien sur ce gavage pervers mais se laissent séduire par sa chair et son foie délicats.
Description
Les canards pèsent généralement de 1,5 à presque 3 kg pour les plus gros, et peuvent combler de 4 à 6 gourmands. Plus ferme et moins grasse, la chair du Canard de Barbarie présente une finesse et une saveur plus prononcée en bouche. Les plus grosses femelles, quoique un peu plus grasses, pèseront environ un kilo de moins. C’est par contre, cet excédent graisseux qui fait de la cane, un animal à la viande généralement plus onctueuse et délicate.
Entier, en morceaux, tout est bon dans le canard.
La langue, la tête, le cou, les ailerons, les pâtes, le gésier, le foie, le cœur, le filet, les aiguillettes, la carcasse, les manchons, les cuisses, le croupion,… tout pourra être utilisé à un moment ou à un autre.
Chaque partie, même la plus modeste possède une saveur étonnante.
Même les plumes et le duvet garniront les édredons, couettes et oreillers. Il reste le bec à recycler !
Disponible à la vente toute l’année
Essentiellement issu de l’élevage, (le premier maillon de la chaîne de la qualité !), le canard est disponible à la vente toute l’année. Il est moins souvent cuisiné entier, réservé autrefois pour les tables de fêtes. (Le traditionnel Canard à l’orange, spécialité des années 70, le canard aux navets, aux olives, le canard à la presse de la Tour d’Argent ou même encore le canard laqué Chinois)… La vente en morceaux à la découpe ou sous-vide, toujours à portée de la main, permet désormais à chacun de choisir selon ses envies ou le nombre de convives. (Nous réserverons le foie gras, pour une rubrique gourmande, plus en détails, pour les Fêtes de fin d’année.)
A cuisiner toute l’année, de multiples façons, à l’infini :
En fonction de la température et de la saison, vous préférerez telle ou telle parties, avec tels légumes, fruits ou garnitures. A chaque saison son type de cuisson et d’assaisonnement. A chaque région sa façon de le préparer avec ses produits et ses traditions. A chacun son envie et sa signature.
Printemps : Saison de la fraicheur et du renouveau,
vous cuisinerez plutôt le magret et les aiguillettes rôtis ou les manchons en fricassées avec les légumes primeurs asperges, petits pois, carottes, navets, oseille et des jus corsés ou sauces à base d’agrumes. L’alliance fruit-canard, sucré-salée, fonctionne à merveille en choisissant des fruits en pleine maturité. Préférez ceux qui présentent une légère acidité. Canard rôti aux abricots, cassis, cerises, groseilles,…
Magret aux abricots : simple, gouteux et raffiné.
Rôtir le magret entier à four chaud 180/200°C th 6/7, sur une grille, la peau grasse taillée et quadrillée, (afin qu’elle rende plus facilement la graisse qu’elle contient) tournée vers la résistance. En dessous, dans la lèchefrite, ranger les oreillons (demis) d’abricots crus qui cuiront en même temps, avec le gras du canard coulant dessus, ponctués d’une ou deux brindilles de romarin, à côté, pour les effluves. A la fin de la cuisson, ranger tous les éléments dans une cocotte, en dehors du feu, pour que la chair repose quelques minutes et que tous les parfums se mêlent.
Servir le magret saignant, rosé, « à la goutte de sang », avec la couche de graisse attenante et les oreillons caramélisés autour. Une pincée de fleur de sel de Guérande et quelques baies de Timut séchées, poivre du Népal au parfum d’agrume et pamplemousse incomparable (facultatif). A partager entre amis sans modération avec un Cépage sauvignon aux notes d’agrumes. Gros et petit manseng.
Eté : La cuisine au soleil,
avec l’apparition des planchas, privilégiez les morceaux à cuisson rapide : les aiguillettes, (tendres et minces filets), les côtelettes de canard, (une découpe différente du canard gras – voir photo – qui permet d’avoir en même temps le magret et l’aiguillette avec l’os central pour obtenir un produit plus riche en goût, une fois cuit. Pensez à entailler le gras de la peau pour qu’il fonde à la cuisson).
Et pourquoi pas le magret consommé à la façon d’un Carpaccio en fines tranches crues avec copeaux de vieux Parmesan, huile d’olive et basilic ?
Une Parillada de Canard : Une idée conviviale pour vos Soirées plancha.
Le tout du Canard : simple et généreux, Côtelettes de canard, Brochette de cœurs, Cuisse confite en tranche ou Magret taillé dans la longueur et même Foie gras frais, selon le budget.
Le tout rapidement saisi et saupoudré au dernier moment de fleur de sel et d’un mélange de poivre rose, vert, noir et Sichuan.
Quelques grains de raisin Italia, pêches ou quartiers de pommes passés aussi à la plancha en garniture. Pourquoi pas un trait de Balsamique vieilli en fût ?
Automne : fruits et sous-bois
On revient en cuisine avec les plats mijotés, sautés et fricassées, tous les morceaux y passent. Les champignons des bois : cèpes, girolles, mousserons, pieds de mouton, trompettes de la mort, oronges, les fruits du moment apportent leur couleurs et tous leur parfums pour une cuisine généreuse, vivante et colorée.
Dodine de canard en cocotte, désossé, braisée, roulée, fourrée de champignons sauvages.
Filet de canard fourré de pommes à la cannelle, Canard aux figues violettes et feuilles de figuier. Le moment d’essayer un magret cuit au bouillon à la ficelle…
Quant à l’Hiver,
Les manchons et cuisses confites doucement dans la graisse – très ancienne technique de conservation, qui a traversé les siècles, les civilisations et les sphères géographiques, sans jamais perdre une once de son succès – embaument à tout va. Cuites ainsi ou lentement, pochées, braisées dans du vin ou un bouillon, elles sont plus fondantes et goûteuses.
Chaudes dorées à la peau croquante avec des pommes de terre sautées, dans le cassoulet de tradition, la garbure ou à la façon d’un Parmentier, au choux, lentilles et salsifis, à l’orientale, en tajines…
Froides en salades, savoureuses, rapides à réaliser, rustiques avec les gésiers, les cous farcis, les langues de canard ou plus sophistiquées avec des pommes, des giroles, de la mangue, du fromage de chèvre chaud, de l’estragon, de la coriandre… Les cuisses se prêtent à toutes vos envies.
Les civets, daubes et autres cuissons lentes garnissent les tables familiales en accord avec les derniers fruits et légumes de saison. L’alicuit “l’alycot″ ragout paysan aux carottes et pommes de terre avec les pattes, cous et bouts des ailes pour sucer les os, la Tourte de canard en croute, la Terrine de canard aux baies de genièvre…
Toute une panoplie de préparations longues et savoureuses, traditions héritées de nos mères et grands-mères lorsque le temps ne comptait pas, sinon le plaisir de donner de l’amour et du plaisir. N’hésitez pas à consulter les recettes de canard dans ce site et surtout un mode de cuisson particulier Magret de Canard rôti à basse température, …qui donne des résultats exceptionnels. A essayer, sans tarder.
Quelques raisons pour consommer du Canard :
Une viande tendre, gouteuse, au goût affirmé, à consommer saignante, pour changer un peu du poulet.
Facile à préparer, selon les morceaux choisis.
Considérée par beaucoup comme une viande grasse, c’est une viande maigre, peu calorique (130 Kcal pour 100 g), savoureuse, riche en fer. La graisse est extérieure à la viande et non à l’intérieur, conservée pour la cuisson, elle peut être retirée au moment de manger.
Vendu détaillée, pas d’obligation d’acheter la volaille entière…
Un prix abordable, surtout dans notre région.
Sans oublier la graisse de canard, “riche en acides gras polyinsaturés qualifiés de bon cholestérol » qui donne à notre cuisine régionale toute son âme, son goût et sa splendeur.
Hommage à la Commanderie du Taste-Rit
Amis Najacois, vous êtes chanceux,
d’avoir pour ambassadeur itinérant, une si noble assemblée volontaire, que la Commanderie du Taste-Rit.
25 ans de fidélité au village et au château pour emblème, véhiculée au hasard de leurs nombreuses escapades et pérégrinations dominicales pour aller toujours plus loin, aux quatre coins de France et même au-delà des frontières, représenter leur région, le canard et ses produits.
Quelle noble quête, vertueuse et amicale à la rencontre des Confréries bachiques et gourmandes du jambon de Bayonne, de la tête de Veau de Pessac, des cerises d’Itsassou, du piment d’Espelette, des marrons de Redon… (Je ne saurais toutes les nommer, sans en oublier.) J’admire tous ces gens qui passent leurs loisirs à prolonger et transmettre leur histoire et leur vécu. Voilà ce que vous allez vivre en ce dimanche festif, un défilé coloré où se mêlent les chants, les traditions, les régions et les êtres fiers de leur patrimoine et leurs racines. Une croisade du bien vivre et du bien être. Un peu désuète pour certains, mais qui vaut bien d’autres manifestations. Et puis, fourbus mais contents, ils se retrouveront autour d’un périple gourmand à la gloire du canard, concocté par le chef Rémy Simon et son équipe. Tout cela pour qu’aux vacances, les rues du village bruissent à nouveau de touristes venues d’ailleurs.
Tout au long de mon parcours, au gré de mes nombreux voyages, et quinzaines gastronomiques, un peu Don Quichote, un peu illuminé, j’ai toujours célébré ma région, le Rouergue, Villefranche et alentours, avec force photos, commentaires, recettes et écrits, car quelque part on a toujours la fierté et l’amour du lieu où on a connu le jour.
Francis Cardaillac Juin 2015